ETERNELS REGRETS
Je suis planté là depuis des heures.
Les jeunes feuilles d’un vert vif voltigent entre les pierres des ancetres, s’accumulant dans les coins, s’engouffrant dans les caveaux. Mais personne ne songe au printemps. Les saisons ne comptent plus… Tous les émois du renouveau de la nature forcent mes souvenirs à s’enchaînés ; Cette neige si blanche… Cette pluie de sang…
Un parfum…
Le sabre qui fend l’air d’un bruit affolant
Ce sabre.
A quoi me sert-t-il vraiment ?
Ma seule raison de vivre
Cette fine lame qui dechire la chair
Penetre dans les entrailles humaines
Ce même sabre qui a tué l’enfant que j’étais
Qui a tué la femme que j’aimais
Un sabre lourd dont la poignée écorche mes mains juveniles
Déjà tachées de sang.
Je suis un assassin.
Mon corps mille fois blessé par les coups d’épée me le dit.
Mon cœur devenu froid me le montre aussi
Mais ce cœur est mort
Glacé
Je ne puis le rechauffer
Tomoe…Tomoe.
Mon cœur a brulé pour toi
Mais je n’ai que cette cicatrice
Et mon desespoir
Pour seuls souvenirs.
Il ne me reste plus qu’a te rejoindre
Je ne peux vivre sans toi.
Je veux revoir ton visage au clair de la lune
Ton doux regard qui me fixait intensement
Sentir ton corps fin et delicat sous mes doigts
Ton parfum dont les effluves de fleur de prunier animaient mes sens
Tes tendres mains qui me soignaient avec tant d’amour
Toi qui renonça à la vengence
Consumée par une passion sans égal
Vivre. Pourquoi vivre ?
Tu n’es plus là
La maison où resonnait ton rire
Est silencieuse
Les fleurs que tu aimais tant
Attendent ton retour
Seulement, tu ne reviendras pas comme au jours d’autrefois
Le ciel est ta demeure desormais
Et ce lit
Où tu te reposais jadis !
Ce lit désormais froid
Je ne peux plus m’y coucher
Sans voir ton fantôme aux yeux tristes
A quoi bon me battre !
Pour l’avennement d’une nouvelle ere
Dans un Japon où tu n’es plus…
A quoi bon ôter des vies !
Pour ne répendre que du sang et des larmes
Une ere de paix peut-elle se fonder sur des cadavres ?
Le printemps approche
Les cerisiers en fleurs épars
Et les gouttes de pluie sur ton linceul
Sont mélés à mes larmes.
Ton nom gravé sur cette pierre mortuaire
Eclairé d’un pâle soleil
Je le fixe sans le voir
Ta beauté enfermée dans une maison sans fenêtres
Ton regard desormais tourné vers le pays natal
Caché dans les nuages.
Des larmes
Elles coulent
Depuis des heures
Telle une source innépuisable
Elles coulent
Sur mes joues ruissellentes
Ces larmes brulantes perlants à mes yeux
Devalant mon visage
Je ne les sens plus
Mon âme est torturée
Pleurer
Il ne me reste que cela
Pleurer des larmes dont le gout salé ne m’atteint pas
Des larmes qui descendent et mouillent mon vetement déjà taché de ton sang
Quel cruel mélange…
La souffrance est ma punission.
La vue de ta tombe
Les souvenirs brouillés
Dans mon esprit torturé
Ton image en moi
A jamais entamée
Mon sabre a gouté à ton sang
La lame brillante
Le fourreau
Tachés de gouttes écarlates
Je ne peux plus les toucher
Sans sentir la douceur de ta peau
Sur ce métal maudit
Je n’ai pas le droit de respirer
Moi l’assassin
Alors que ton dernier souffle s’est mélé au vent
Que ton corps transpersé a expiré dans mes bras !
Sur ce sol,
A la neige rougie
Eternels regrets pour toi, femme sans défauts
Qui ne doit ta mort
Qu’a un amour sans issues.
Princesse endormie pour un sommeil eternel
Ne laissant derriere toi
Qu’un amant désemparé !
Tu m’as offert ta souffrance
Dans ce dernier baiser
Eternels regrets
Regrets eternels
Avec moi pour seul coupable.
Mes yeux gonflés
Rougis, tuméfiés
N’ont plus la force de regarder ta tombe
Mes jambes n’arrivent plus à me porter
Je n’ai plus de voix pour hurler
Il n’y a pas répit pour cette atroce douleur
Pas d’antidote au chagrin
Il n’y a pas de pardon pour les meurtriers
Je n’ai pas le droit au repos
Je ne peux me resoudre à te laisser
Seule
Dans ce vieux cimetiere hanté
Tel un ange en Enfer
L’innocent dans un bagne
Toi dans cette fosse…
Le temps s’écoule et s’envole on-ne-sait où. Je suis toujours agenouillé près de ta tombe je ne peux te quitter. Cepandant, il est temps.
Je ne supporte pas de voir ton corps immaculé se couvrir de terre. Dès que je ferme mes yeux douloureux je te revois dans ton beau kimono blanc et je sens encore la douceur du voile violet dont tu me couvrais les jours de froid.
Où que j’aille
Ton regard sombre m’accompagnera
Où que j’aille
Je sentirais ton doux parfum
Les fleurs de prunier qui habitent mes rêves
A jamais.